mercredi 28 janvier 2015

Récupération politique

Débuté initialement le 14 janvier 2015.

Malgré tous les appels à l'"unité nationale", à la solidarité, à la fraternité, à la tolérance... il y a encore des con* pour tourner tous les discours, dans un imbroglio démagogique, à leur petite personne. S'exclure en affirmant vouloir soutenir. Insérer, au coin d'une phrase, son grain de sel dans la machine.
"Devant tant de violence, de haine et de peur, on a tous des pulsions de violence; c'est pourquoi la peine de mort me paraît une bonne idée pour nous épancher." semble-t-elle dire; comme si la mort des coupables rachetait la mort des innocents; comme si davantage de violence pouvait punir la violence; comme si la vengeance constituait une forme de jugement; comme si nous étions encore au XVIIème siècle, en pleine inquisition culturelle.


    Sauf que pour un croyant (et surtout un djihadiste), mourir en pensant aller au paradis, ce n'est pas une punition, au contraire. Et pour un athée, mourir, c'est juste la fin. C'est bien moindre que d'avoir à faire son mea culpa dans une cellule en subissant le jugement moral de la société. Enfin, je ne tiens pas à expliquer une fois de plus la bêtise que constitue la peine de mort. Je dis qu'en apprenant la mort des trois terroristes, lorsque le périmètre de sécurité a été rouvert, enfin sortie de ce confinement angoissant, j'ai eu des larmes aux yeux. Cette issue, je l'ai ressentie comme un drame, tout en sachant que c'était inévitable. Je ne sais pas si je dois dire que personne ne mérite de mourir. Mais ce qui est sûr c'est que la justice ne devrait avoir à tuer personne. Que l'Etat français se soit retrouvé obligé d'abattre ces deux hommes, soit. Mais cela nous mets dans une position de bourreau à notre tour, bien loin du pays 
(scriptolapsus: j'ai écrit paix)
bien loin du pays de justice, de droit et de démocratie dont on rêve. Moi, cela me fait me questionner sur cette légitimité occidentale qu'on impose, qu'on ne discute pas. A quel titre? Cette crise a été "gérée" tant bien que mal; certainement aussi bien menée à son terme. Mais quel terme. 



vendredi 23 janvier 2015

The Smell of Us, de Larry Clark

Dans Nymphomaniac, dans La Vie d'Adèle, dans Spring Breakers, la sexualité filmée ne m'a pas gênée; elle ne m'a pas choquée, ni dégoutée, ni gênée. Dans The Smell of Us, non seulement elle a fini par me gêner, mais elle m'a agacée et lassée. Voici pourquoi j'ai l'impression que Larry Clark se fout de notre gueule. 



Dans son ensemble, le film a l'air d'un patchwork de séquences, plus ou moins réussies, plus ou moins fortes, mais qui ne se soutiennent que fragilement les unes les autres. Comme un château de cartes raté, à un étage, ou une partie de mikado mal disposés. Autant que les fils narratifs, les divers personnages, qui tous ont quelque chose d'attirant et de complexe, sont abandonnés en route, sans suite. Que ce soit dû au remaniement spontané du scénario lors du tournage, à la place laissée à l'improvisation, à l'abandon des acteurs, peu importe; le film perd ses fils, qui à peine tissés sont déjà coupés. Pacman finit par être un vulgaire lâche qui poignarde les gens dans le dos. En un sens, Math, lui aussi, est un lâche; même lorsque repose sur lui le climax émotionnel et le potentiel dénouement du récit, il se dérobe, trop déphasé par l'alcool, la drogue et la honte.
Le réalisateur espère faire un film "sur", "dans le milieu de", mais les personnages ne sont même pas aboutis, ni individuellement ni en tant que collectif! JP et le cameraman sont peut-être les deux personnages dont les ficelles sont tirées un peu plus loin; le premier car on finit par entrer dans sa vie privée et ses sentiments sincères; le second parce qu'il n'est que secondaire justement; alter ego facile du réalisateur, voyeur par excellence.

Le film caractérise soit disant la façon dont Internet pervertit cette jeunesse. Apparemment, "le film parle de ça, de la façon dont Internet peut très facilement mettre ces ados en difficulté" (propos de Larry Clark dans un entretien à Quentin Grosset, dans Trois Couleurs). Ce n'est bien que dans une interview que Larry Clark peut évoquer cette intention... Chacun de ces jeunes est indépendant financièrement, et libre de sa pensée autant que de son corps; il n'est pas attiré dans des mailles inextricables; en tout cas, ce n'est pas ce qui nous est montré. En réalité, Internet n'est qu'un outil, il ne nous "met" pas "en difficulté". Oui nous baignons dans un monde pornographique, aux mœurs diverses, paradoxales, immorales selon certains. Nous BAIGNONS. Et on ne se noie pas. On sait nager.

Le film ne "parle" pas, il montre une jeunesse fantasmée et violée. Cette sexualisation outrancière de chaque élément, jusqu'à la serveuse qui fait valser ses coupes de champagne au profit d'un déhanché démesuré, m'a saoulée. Je vois de la fascination et des viols.

Je ne peux pas m'empêcher de penser aux acteurs, amateurs. "Ils ne réalisaient pas à quel point cela allait être difficile et n'étaient pas préparés psychologiquement à tenir ces rôles", nous dit le réalisateur...
Mais, mais, oserai-je dire que c'est ton boulot?! Préparer les acteurs, les diriger, leur permettre de se nourrir du film autant qu'ils le nourrissent, c'est ça le metteur en scène! Ce n'est pas poser un regard lubrique sur des jeunes avec qui tu ne peux pas communiquer, que tu traumatises, que tu pompes, que tu vampirises au nom de ton propre dégout de toi même..!

Les critiques ne cessent de parler d'un film sur la vieillesse, "la peur du déclin", "les corps flétris", un autoportrait du réalisateur en somme. Ce que je vois de cela, moi, c'est ce fantasme juvénile presque pervers, la hantise de la sexualité, l'objectivation du "jeune" comme corps. Mais les "jeunes" ne se résument pas à leur sexualité. L'impudeur, la mise en scène de soi, le porno, la provocation, la prostitution, la banalisation, la prise de risque, tout cela existe; mais tout cela ne constitue pas l'identité d'une génération, ni d'un groupe, ni d'un personnage. Sans parler du langage des skateurs, qui se veut authentique, mais qui n'est lui aussi, qu'un patchwork d'expressions diverses, de styles, de registres, de milieux et de contextes différents. Du contreplaqué.
Et puis, que dire de cette séquence finale... Cliché de violence, de pseudo défoulement adolescent, d'abandon des normes sociales et morales...  La mise en flammes d'une voiture immatriculée 94 me fend le cœur.

Voilà un billet d'humeur acerbe, fidèle au goût étrange que m'a laissé le film. Certes, tout n'est pas à jeter. Mais en fait, j'ai été déçue. N'ayant vu que son deuxième film, Another Day in Paradise, je ne peux adhérer à "la quintessence de tous les films et des thèmes fétiches de Larry Clark". Je me suis laissée charmer par les titres flatteurs des Cahiers du cinéma... et je sors avec l'impression de m'être fait avoir par un vieux lubrique qui a envoyé valser son film au profit d'intentions égocentrées.

Après avoir lu les différents articles des Cahiers, je m'aperçois que ce que ces critiques portent aux nues, c'est justement ce que je reproche au film. L'abandon du scénario comme rejet du normalisme; soit. Le défilé des différents acteurs et personnages comme une "interchangeabilité vertigineuse" pour "révéler l'universalité"; soit. L’idolâtrie des corps comme une esthétisation de corps divins; soit. La reconstruction toute personnelle de Paris et de ses "jeunes" comme une "profonde honnêteté dans ce regard" et parangon de la modernité; soit.
Mais en effet, "ce qui est en jeu avec ce film c'est une idée du cinéma." Mon idée à moi est celle d'un cinéma qui s'adresse à son spectateur, qui l'emporte avec lui, qui l'introduit dans son monde, qui lui ménage une place voire un rôle;  un cinéma qui certes s'affranchit des normes conventionnelles mais pour les transcender sans forcément les mépriser; un cinéma à l'esthétique sensible, ouverte, évolutive; un cinéma qui n'affirme pas "Je suis un bon film, et je vous emmerde."

dimanche 18 janvier 2015

Le moment M.



Imagine que les Grecs sont à la fin d'un cycle d'une humanité, et que cette civilisation avait atteint le niveau de progrès optimal à son cycle. L'humanité a progressé d'ère en ère, jusqu'à eux, couronnement du cycle en cours, prêts à l'extinction..

Nous sommes aujourd'hui à ce même stade de progrès, ayant entériné les évolutions techniques, philosophiques et morales du cycle précédent. Le progrès a atteint son sommet - son stade optimal.


C'est. Maintenant. La Fin. D'un cycle.


La fin de notre civilisation. Ce cycle s'effondre sur lui-même pour laisser le terreau d'un nouveau germe.


Nous sommes.

Une humanité.


Serait-ce la religion, qui fait naître et mourir ces cycles d'humanité ? 

L'homo habilis comme début d'un nouveau, avant eux la fin des dinosaures. Les cycles vont ils en s'accourcissant? Les dinosaures ne vivaient pas à la même échelle temporelle, ni même physique, semble-t-il, que nous. 


Nous sommes la fin.

D'une humanité.



jeudi 8 janvier 2015

Liberté.



Que dire ?
Que la liberté d'expression ne peut être ni bâillonnée, ni tuée ?


Est-ce que les médias nous effrayent ? A-t-on raison de tirer sans preuves des liens entre différents actes de violence ? Faut-il avoir peur ? Faut-il avoir la haine ? Faut-il se taire ?


Je ne veux pas avoir peur, je ne veux pas lancer d'accusations, je ne veux pas me taire. Mais je ne ressens que de l'indignation, de l'horreur, du désespoir. Je n'arrive pas à trouver une quelconque logique. Je n'arrive pas à comprendre ce que le monde veut pour lui-même. Le pouvoir ?
C'est l'amour putain. Je viens de lire Le Chant d'Apollon d'Osamu Tezuka ; le récit est simpliste mais le message est là : c'est l'amour. C'est l'amour qu'on veut tous, que l'on cherche, pour lequel on souffre. On ne peut pas accepter de souffrir pour la haine.  

" Le silence, c'est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs, et si tu parles, tu meurs. Alors dis et meurs. " Tahar Djaout





samedi 3 janvier 2015

Quelques grandes choses pour voir le monde pour la première fois.

Si vous avez au moins une heure à m'accorder, soyez prêts. (et en plein écran.)

D'abord, Logorama, le court-métrage d'animation français de 2009 primé aux Césars, aux Oscars, et dans le monde.
Notre monde.

Par la même boite de production:

Puis, après cette transition évocatrice, entrons dans le vif du sujet.


Koyaanisqatsi

Koyaanisqatsi de Godfrey Reggio, musique de Philip Glass et image de Ron Fricke. A voir en entier.

Avez vous vu les puits de pétrole qui s'effondrent, les gratte-ciels, les fusées?

Et enfin, pour réaliser le monde que vous venez de voir:

Bon voyage ?

Bonne année.



Merci, j'suis détendue.

vendredi 2 janvier 2015

Gone Girl, de David Fincher



J'ai écrit ce papier à peine rentrée chez moi, juste après la séance, dans l'euphorie la plus complète. J'ai dansé dans l’ascenseur de joie d'avoir vu ce film, d'avoir vécu ce film, d'y avoir réagi, d'avoir été embarquée comme ça. Euphorie du cinéma.

Ce scénario - ce scénario! - (comme le spectateur) est mené d'un bout à l'autre sans jamais s'arrêter ; les retournements sont phénoménaux et toujours inattendus, et produisent encore plus de surprise que l'on croit. Comme des tours de magie: on sait qu'il va se passer quelque chose, mais on ne sait pas quand, ni comment, ni pourquoi; et finalement, on est impressionné même si on aperçoit la machinerie dans les coulisses.

Je n'ai pas "vu" les acteurs ; sauf peut être Niel Patrick Harris tellement son personnage (Desi) est fictionnel, filmique. Il a un rôle presque de comédie: l'emmerdeur niais, qui s'incruste et complique la situation en croyant bien faire. Mais dans ce contexte, il s'insère de manière tellement ironique que ça renforce le drame, loin de le déstabiliser. Son personnage n'enlève en rien de la densité du film; il reste entièrement pris dans l'histoire et dans le film. Il s'insère à la perfection dans cet univers d'apparences, de « réussir sa vie », de tchatche américaine, de fausse romance utopique et niaise.

Au début, la caméra est comme flottante, extrêmement fluide, mais le montage très rapide, et ce dès le générique. C'est ce qui m'a gênée au début, car on a à peine le temps de s'installer dans le film, de situer ces images. Mais c'est que déjà, le film porte son identité; une gêne s'instaure qui inspire quelque chose d'anormal. Quand on entre dans cette maison avec Nick Dunne, l'atmosphère est tout de suite étrange : cette maison est vide. Il ne manque pas seulement sa femme, il manque carrément des meubles, des objets, des souvenirs, il manque tout ce qui pourrait la rendre authentique, ce qui pourrait en faire un couple avec une vie normale. Rien que par le décor, tout est déjà suggéré : les couleurs ne sont ni marron ni beige, juste floues, les meubles sont impeccables et tellement intégrés au décor qu'on ne les voit même pas; les traces de vie ne sont nulle part, tout est propre et rangé, immobile... Il n'y a pas de vie de couple ici, pas même de vie, juste une sorte de non-présence. J'ai lu une citation du chef-opérateur, Jeff Conenweth (fidèle à David Fincher), qui disait: "Notre mission a consisté à trouver le moyen d’auréoler de mystère cette petite ville ordinaire et ses maisons impersonnelles".



Dans le métro, après la séance, je me suis acharnée à essayer de saisir clairement quelle morale on pouvait tirer de ce film. Pas facile, en fait, puisque chaque partie, et même chaque personnage, est guidé par une certaine vision de la justice... parfois contradictoires. 
D'un coté, la justice s'incarne chez le duo de policiers qui, malgré des apparences accablantes, poursuivent leur enquête en respectant la présomption d'innocence. L'enquêtrice refuse d'arrêter Nick Dunne car elle n'a pas de corps ; mais on se rend compte avec cet argument que ce n'est pas tant au nom de la justice qu'elle refuse de l'arrêter, mais parce qu'elle sait que le tribunal ne saura pas juger un tel cas de crime sans corps. La justice est garantie par l'institution et l'autorité ; elle protège des conclusions hâtives du second policier. Mais en vertu de la protection des innocents, on peut penser que la justice est impuissante... Cet aspect de la justice sauve d'abord Nick, mais c'est aussi cela qui le condamne... à sa propre vie.
Car la justice, comme le film, est bloquée par le problème fondamental du « c'est sa parole contre la mienne. » La justice est dépendante de la bonne foi des individus... Mais la société n'apprend pas la bonne fois ni l'honnêteté. 
Au contraire, les médias deviennent la seule forme de jugement, basé sur les images et leur interprétation. Cette justice est rapide, expéditive, basée sur une morale dominante plutôt dogmatique; en un mot: arbitraire, très loin de l'honnêteté idéale. Si je voulais en rajouter, je dirais qu'en plus, ces médias qui agissent et jugent au nom de l'opinion publique ne font que la formater.
Pour revenir au point de vue des personnages, Amy Dunne envisage la vengeance comme une forme de justice. Considérant que Nick a gâché sa vie en l'emmenant loin de New-York, dans le Missouri, elle estime que ce n'est que justice de se venger, par la persécution, la prison et la condamnation à mort. Dans un jugement rapide, on peut considérer d'abord cette rancune comme une juste réaction à une promesse de mariage brisée, un comportement irrespectueux ou malhonnête. Car on n'oublie jamais que Nick, s'il est pris au piège, reste un mari infidèle, lâche, voire ingrat. 
Et ce qui est ironiquement drôle, c'est que, dans la dernière partie du film, c'est Nick qui tient le discours de l'homme trahi, blessé, et à la merci de sa femme. A l'avocat, il dit que sa vie est en jeu... Miroir du discours d'Amy: c'est désormais elle qui gâche la vie de son mari, dans un sadisme si démesuré qu'il apparaît comme profondément injuste.